Vivatech 8ème édition. Retour sur les tendances dans le secteur agricole et alimentaire
Le 16 janvier 2024, à Toulouse, un agriculteur face à un parterre de confrères lance un appel à bloquer l’autoroute Toulouse-Tarbes. Cet homme, c’est Jérôme Bayle. Ce jour-là, il est en passe de devenir leader de ce qui va bientôt être l’une des plus grandes contestations agricoles françaises et européennes de ces dernières années.
La crise a été stimulée par un ensemble de difficultés subies par les agriculteurs: hausse des coûts des matières premières et de l’énergie, déstabilisations commerciales liées au conflit en Ukraine et deux années successives de sécheresses sans précédent. Par ailleurs, le secteur fait face depuis plusieurs années à des problématiques de transformation profonde, comme la nécessité de produire une alimentation saine et durable pour une population en constante croissance. Préserver l'environnement tout en garantissant un revenu décent aux agriculteurs, dans un secteur où 16,2 % des ménages agricoles vivent sous le seuil de pauvreté. Proposer un juste prix et une juste répartition de la valeur tout en maintenant un prix attractif pour le client final.
Dans le cadre du Green Deal, la Commission Européenne a conçu et déploie le programme de la Fourche à la Fourchette (Farm to Fork) pour accompagner le secteur à relever ces défis de transformation. D’ici 2030, ce programme vise à :
- réduire de 50 % le recours aux pesticides
- réduire de 20 % l’usage d’engrais chimiques
- consacrer 25 % de surfaces agricoles au bio (contre 8,5 % en 2019)
- réduire de 50 % les ventes d’antibiotiques pour les animaux d’élevage
- réviser les directives sur le bien-être animal
Face à tous ces enjeux et besoins d’innovation et de transformation, la 8ème édition de VivaTechnology semble être un lieu intéressant pour prendre le pouls et comprendre les solutions que l’écosystème tech peut apporter.
Un écosystème d'accompagnement qui se structure
Pour qu'un écosystème d'innovation se développe et fasse émerger des champions, il est essentiel qu'une multitude d'acteurs se structurent pour répondre aux besoins des startups. Nous observons lors de cette édition l'émergence de fonds d'investissement spécialisés dans l'agriculture et l'alimentation, à travers la présence du fonds allemand FoodLabs, ou encore French Food Capital en France. Ces fonds d'investissement jouent un rôle clé dans le financement des startups, en leur apportant de l’expertise, du réseau et des ressources financières.
En parallèle, nous avons également observé une structuration de l'écosystème d'accélérateurs et d'incubateurs dédiés à ces enjeux. Parmi les acteurs que nous avons pu rencontrer à Vivatech, on peut citer EIT Food, un incubateur européen qui accompagne les startups dans le développement de produits et de services innovants pour l'alimentation durable. Nous avons également visité le stand de l'incubateur régional Rhône-Alpes sur lequel était présent Vegepolys Valley, un pôle de compétitivité qui rassemble des entreprises, des centres de recherche et des établissements d'enseignement supérieur autour de l'innovation végétale. Nous pouvons également citer AgreenTech Valley à Orléans, un cluster national, dédié à l’émergence de technologies numériques pour le végétal.
Accompagner la transformation des exploitations
Pour répondre aux enjeux de l'agriculture durable, les exploitations agricoles doivent se transformer en profondeur. Cette transformation passe par l'adoption de pratiques agricoles plus respectueuses de l'environnement et qui ne nuisent pas aux rendements et revenus, par l'utilisation de technologies pour faciliter le quotidien et optimiser le geste de l’agriculteur, ainsi que des solutions économiques pour développer les revenus des exploitations.
Agreena, a particulièrement retenu notre attention. Leur service propose aux agriculteurs d’inscrire leurs parcelles dans un programme de régénération des sols à travers: une baisse de la perturbation des sols, développement des cultures de couverture, l’utilisation d’engrais organiques, l’optimisation de la gestion des résidus. Agreena accompagne les agriculteurs à conduire cette transition et certifier les surfaces en puits de carbone, ce qui leur permet de pouvoir capter des crédits carbone et ainsi développer leurs revenus. À moyen terme, un sol régénéré sera également plus généreux avec ses plantations et contribuera également à développer les revenus de l’agriculteur.
En savoir plus: https://agreena.com/fr/
Seabex a développé une solution d’aide à la décision d’irrigation. Leur solution permet aux agriculteurs d’exploiter des données météorologiques, satellitaires, végétales et agronomiques pour optimiser à une précision de quelques mètres les besoins d’irrigation de leurs parcelles. Cela permet de réduire les coûts et besoins hydriques et d’engrais. Cette solution est facilitée par l’émergence des technologies et acteurs du satellitaire qui fournissent des données de plus en plus précises, récurrentes et utilisables par les acteurs technologiques. Cela fera l’objet d’un futur article !
En savoir plus: https://seabex.com/
Ag'eau Vital, une entreprise qui a mis au point une station d'injection contrôlée de produits phytosanitaires dans l’eau. Ce qui permet de réduire l'utilisation de ces produits tout en garantissant une efficacité optimale.
En savoir plus: https://ageauvital.com/
Réinventer les modèles de distribution
Enfin, la transformation du système alimentaire européen passe également par la réinvention des modèles de distribution. De nouveaux modèles émergent, qui permettent de réduire les intermédiaires et de rapprocher les producteurs des consommateurs.
Parmi les startups que nous avons pu rencontrer à Vivatech, on peut citer Lufa Farms, une startup canadienne qui a développée des fermes et des entrepôts verticaux à Montréal, avec lesquels ils cultivent des légumes frais en centre-ville avant d’en assurer la livraison directement aux consommateurs. Lufa Farms contrôle ainsi toute la chaîne de valeur et est en mesure d’optimiser sa rentabilité et fournir une expérience forte aux clients.
En savoir plus: https://montreal.lufa.com/fr#/
La Belle Vie, un supermarché en ligne basé en Île-de-France, propose une approche novatrice pour transformer les modèles de distribution alimentaire. En développant ses propres systèmes ERP et outils digitaux, La Belle Vie assure une gestion optimisée des stocks, des commandes et des livraisons. Cet organisation permet de garantir la fraîcheur des produits tout en proposant des délais de livraison efficaces.
En savoir plus: https://www.youtube.com/watch?v=wojFMa2IY8U
La réduction du gaspillage alimentaire ou la valorisation des déchets
En 2020, l'UE a généré 58,4 millions de tonnes de déchets alimentaires, dont 54 % provenant des ménages, 21 % du secteur de la transformation alimentaire et 10 % de la restauration. Deux facteurs externes aggravent cette situation. D'une part, 30 millions d’Européens ne peuvent manger un repas de qualité qu'un jour sur deux, ce qui accentue la disparité alimentaire. D'autre part, la demande va augmenter en raison de la croissance démographique mondiale, ajoutant une pression supplémentaire sur un système déjà sous tension.
Everfly, a développé une solution pour transformer les déchets végétaux en nourriture animale, réduisant ainsi l'utilisation de ressources naturelles pour l'alimentation animale.
En savoir plus: https://www.everfly.eu/
Kikleo, fournit une balance et une caméra augmentée par de l’IA qui scannent et analysent tous les déchets alimentaires des restaurants et cantines. Ces données sont analysées et enrichies pour permettre aux chefs d’établissement de comprendre finement ce qui est gaspillé et pouvoir ainsi être plus éclairés et performants sur les actions anti-gaspi.
En savoir plus: https://kikleo.com/
Pimp Up, la startup hébergée sur le stand La Poste, propose des paniers de fruits et légumes à ses clients Toulousains et Nîmois constituée de produits en provenance directe des producteurs.
En savoir plus: https://www.pimpup-antigaspi.fr/
Cette 8ème édition de VivaTechnology aura rassemblé 165 000 personnes, détrônant la fréquentation du plus grand salon tech du monde, le CES de Las Vegas, avec 135 000 visiteurs. La thématique majeure a été sans surprise l’IA, néanmoins les très nombreux stands, startups, investisseurs et acteurs présents offrent un panel bien plus large du paysage tech en Europe. Sur le secteur agricole et alimentaire, de nombreuses initiatives et startups offrent des produits et services en accord avec les besoins de transformation du secteur. Néanmoins, l’absence de grands groupes du secteur en tant que sponsors et avec un grand stand ne fait pas rayonner le sujet à la hauteur des enjeux colossaux d’innovation de la filière. Peut-être l’année prochaine ?
